Singularités

Drève de Beaumont (Tongre-Notre-Dame, B)

En pleine campagne: un bâtiment symétrique … du moins avant qu’il ne soit à l’état de ruine!

C’est qu’on « attend » d’un bâtiment situé à la campagne est qu’il soit … «rural» (Jacques de Chabannes, seigneur de La Palice apprécierait!), et qu’il répond aux contraintes de son monde. La symétrie est, très souvent, le produit d’une pensée ordonnatrice (avec toute l’ambigüité que ce type de pensées peut véhiculer en référence aux « architectures de pouvoir » très « friandes » de symétries en tout genre), et est peu en phase avec la simplicité et la rudesse de la vie rurale, dont les architectures témoignent plutôt par des asymétries. Ce bâtiment n’est pas donc le produit d’une architecture vernaculaire où les formes naissent des besoins de la vie agricole, d’où cette singularité lorsqu’on trouve cette typologie architecturale en pleine campagne.

Mais la photo est incomplète, car elle isole le bâtiment de son contexte. En réalité, il a un double, situé à une vingtaine de mètres, parfaitement similaire. Cette disposition détermine non plus l’immeuble comme principal, mais l’inscrit comme un élément, parmi d’autres, d’une vaste composition où ces deux bâtiments encadrent le début d’une longue allée de peupliers qui aboutit à un ensemble architectural: une cense abbatiale (créée au 12ème S. et ayant appartenu à l’ordre des Prémontrés de Vicoigne). Elle est composée d’un porche-colombier, d’un important corps de logis, d’une étable avec fenil, remises, grange, mais aussi d’un ancien cimetière et d’une chapelle.

Les symétries de disposition et de composition des deux bâtiments (indépendamment même de leurs implantations éloignées de la cour de la ferme, centre de l’exploitation agricole), donnent une monumentalité à l’entrée de la cense, définit sa qualité « institutionnelle » et se différencie ainsi des fermes voisines appartenant aux paysans.

Et malgré la logique de l’histoire qui vient justifier de l’existence de la symétrie du bâtiment photographié, il n’en reste pas moins, qu’aujourd’hui, avec la perte (et la méconnaissance) des valeurs signifiantes de l’architecture, cette symétrie reste singulière.